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Accueil » Compréhension de consignes : un enjeu majeur de l’apprentissage
troubles neurodéveloppementaux : de quoi parle t on ?
compréhension de consignes
Comprendre une consigne ne se résume pas à la lire ou à l’entendre. C’est un processus complexe, qui mobilise :
l’inhibition,
l’attention,
la flexibilité cognitive,
la mémoire de travail,
la planification,
le langage,
et la capacité à s’auto-observer.
Cet ensemble forme un écosystème invisible, souvent négligé. Cet article propose une analyse complète des enjeux liés à la compréhension de consignes, ainsi que des outils concrets pour soutenir les apprenants, en particulier ceux qui bénéficient d’un accompagnement orthopédagogique.
Dans la plupart des situations éducatives, une consigne représente un pont entre l’intention de l’accompagnant et l’action de l’apprenant.
Elle peut sembler simple… mais elle mobilise en réalité une chaîne d’opérations mentales :
Repérer que la consigne commence. Se tourner cognitivement vers elle.
Mettre en pause ce que l’on faisait avant. Ne pas agir trop vite.
Entourer mentalement le mot-clé qui donne la direction : décrire, classer, justifier, comparer, trier…
Repérer les éléments importants mais souvent discrets :
« en deux phrases », « sans calculatrice », « avec justification », « dans l’ordre », « en respectant le modèle ».
Organiser les étapes dans un ordre logique.
Décider comment réaliser la tâche, avec quels outils, et dans quel délai.
Relire la consigne, vérifier que l’action correspond bien à ce qui est demandé.
Chaque étape peut devenir un point de fragilité. Mais surtout : chaque apprenant peut se perdre à un endroit différent du parcours.
Certaines consignes supposent des habitudes, des références implicites, des sous-entendus.
Pour un apprenant qui n’a pas internalisé ces codes, elles deviennent un casse-tête.
Une consigne trop longue ou trop dense mobilise plus de ressources que ce que la mémoire de travail peut contenir.
Comprendre les mots d’une consigne ≠ comprendre la tâche cognitive attendue.
Un grand nombre d’erreurs de consigne ne sont pas des erreurs de savoir, mais des difficultés liées à :
l’attention,
la flexibilité(changer de piste),
l’inhibition (ne pas foncer trop vite),
la planification.
Les consignes sont souvent données comme si elles étaient naturellement évidentes, alors qu’elles nécessitent une réelle pédagogie.
La plupart des outils orthopédagogiques structurés s’accordent sur un point : Pour aider un apprenant à comprendre une consigne, il faut d’abord repérer où la compréhension se perd.
C’est le principe de La Carte des Points de Blocage, un outil qui distingue quatre moments critiques :
L’apprenant n’enclenche pas le traitement de la consigne.
La consigne est comprise partiellement, mais l’ordre des actions se perd.
La tâche est faite, mais une contrainte essentielle n’a pas été respectée.
L’apprenant ne parvient pas à relire la consigne ou à vérifier son travail.
Cette analyse simple permet d’adapter la stratégie exactement au bon endroit, au lieu de répéter la consigne en entier (ce qui ne résout pas le problème).
Les pratiques les plus efficaces reposent sur trois principes :
expliciter, structurer, rendre visible.
Classer, décrire, justifier, comparer…
Chaque verbe correspond à une tâche mentale.
Les expliciter transforme immédiatement la clarté de la consigne.
Diviser en 2–4 briques cognitives permet :
de réduire la charge mentale ;
d’installer un fil conducteur ;
de donner des repères concrets.
Les supports visuels facilitent le traitement :
flèches, encadrés, étapes, pictogrammes.
Un apprenant qui ne vérifie jamais ne progresse jamais.
Un rituel simple — objectif / contrainte / relecture — change tout.
L’apprenant apprend à reconnaître :
ce qui lui manque,
à quel moment il décroche,
ce qu’il peut faire pour se ré-ancrer.
Quand l’apprenant demande systématiquement « On fait quoi ? », il ne manque pas de compréhension : il manque d’ancrage.
Les outils comme PACTE permettent d’installer une autonomie réelle.
➤ Analyser finement le fonctionnement d’apprentissage de l’apprenant
L’orthopédagogue observe les moments où la compréhension bascule : les hésitations, les micro-pauses, les erreurs de verbes, les ruptures dans le séquençage.
L’objectif n’est pas de juger, mais de comprendre comment l’apprenant traite l’information afin d’adapter l’accompagnement.
➤ Rendre visible l’invisible
Dans les premières secondes d’une consigne, énormément d’éléments se jouent :
activation, inhibition, repérage du verbe, hiérarchisation.
L’orthopédagogue aide à déplier ce processus métacognitif pour l’apprenant mais aussi pour l’adulte qui l’accompagne.
Ce sont des mécanismes souvent silencieux, quasi automatiques et les rendre visibles change profondément la posture d’accompagnement.
➤ Outiller l’apprenant
L’accompagnement passe des supports concrets :
cartes visuelles,
systèmes de repérage,
étapes simplifiées,
routines de vérification,
outils de segmentation.
L’objectif est de rendre la consigne manipulable, observable et moins abstraite.
Ces outils deviennent des repères sécurisants qui soutiennent l’autonomie et la compréhension.
➤ Ajuster les stratégies
Une même consigne peut être mal comprise pour des raisons très différentes.
L’orthopédagogue aide à choisir la stratégie qui correspond exactement au point de blocage :
ralentir, découper, reformuler, visualiser, mettre en relief les contraintes, etc.
Il s’agit de passer d’un accompagnement “général” à un accompagnement ciblé, précis, et réajusté.
➤ Responsabiliser les apprenants
Au cœur de l’approche orthopédagogique se trouve l’idée de rendre l’apprenant acteur :
observer → évaluer → réagir.
Cela passe des phrases-rituels, des auto-questions simples, des moments de pause active.
On développe ainsi :
l’auto-observation,
la compréhension de son propre fonctionnement,
la capacité à corriger le tir en cours de tâche.
C’est la clé de l’autodétermination.
➤ Sensibiliser les équipes éducatives
Partage d’observations, mise en lumière des mécanismes, transmission d’outils simples, repères concrets et adaptés, pour découvrir :
comment une consigne se construit,
pourquoi certains apprenants “ratent” le début,
comment repérer les signes,
comment adapter la consigne sans tout réécrire.
Cette sensibilisation vise avant tout à créer une culture commune : celle de la consigne explicite, accessible et sécurisante.
Améliorer la compréhension des consignes ne relève pas seulement de l’efficacité pédagogique :
c’est une démarche d’accessibilité.
👉 Rendre une consigne accessible, c’est rendre la tâche faisable.
👉 Rendre la tâche faisable, c’est rendre la réussite possible.
Et cela vaut pour tous les apprenants, en particulier ceux en situation de handicap, ceux non oralisants, ceux en autorégulation, ceux à besoins spécifiques.
La compréhension de consignes est bien plus qu’un prérequis technique : c’est un pilier de l’autonomie, de la confiance, et du développement des fonctions exécutives.
Avec les bons outils, les bonnes observations et une pédagogie explicite, chaque apprenant peut devenir capable de traiter, analyser et suivre une consigne… sans surcharge, sans décrochage, et avec un sentiment réel de compétence.